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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 juillet 1851, vendredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour. Comment as-tu passé la nuit ? Est-ce que tu t’es levé ce matin à 5 h. ? Il faisait bien froid et bien humide, surtout pour avoir été déjà mouillé comme tu l’as été hier au soir. Est-ce que cela ne t’a pas fait de mal, mon pauvre doux bien-aimé ? Mon Dieu quel affreux temps. Quelle désolante température pour ta pauvre gorge. J’en suis consternée dans l’âme. S’il était possible que l’affaire de ton Charlo [1] puisse être mise à jour d’ici à trois jours, est-ce que tu ne songerais pas sérieusement à changer d’air et à aller chercher le soleil et la santé dans le midi ? Pour moi je suis persuadée, en dehors de mon égoïsme et de tout le bonheur qui me reviendrait de cette excursion, que c’est de tous les remèdesa celui qui peut te guérir le plus vite. Ce qu’il te faut c’est le repos, c’est le vert des arbres, le bleu du ciel et un bon soleil bien rissolant sur ton cher petit dos pendant un grand mois au moins. Hélas ! en te parlant ainsi je prévois et je sens comme un remords l’objection que tu as à me faire et je me reproche d’avoir cédé à un mouvement de douloureuse susceptibilité. Je pouvais, par les moyens que tu sais, prolonger encore pendant un certain temps la déplorable confidence que je t’ai faite il y a deux jours. Si elle devait avoir pour résultat de t’empêcher de faire ce voyage que je crois nécessaire pour hâter et compléterb ta guérison, je ne me le pardonnerais pas, quelque inconvénient qu’ait pu avoir pour plus tard ma dissimulation forcée. Tâche, mon pauvre bien-aimé, de ne pas me donner ce remords de tous les instants d’être la cause de tes souffrances prolongées. Tu sais que tout ce que j’ai t’appartient et s’il n’y a pas moyen que je t’accompagne, ô mon Dieu, eh bien j’en fais le sacrifice à ta santé. Je me résignerai comme je pourrai. Pour que tu ne souffres plus tout m’est possible. Ce qui vient de se passer m’a donné la mesure de mes forces que je ne connaissais pas auparavant. Ne t’inquiète pas de ce que je deviendrai. Pourvu que tu guérissesc et que tu m’aimes je supporterai tout. Mon Victor bien aimé pense à toi, guéris-toi, mon bonheur viendra à la suite.

Juliette

BnF, Mss NAF 16369, f. 101-102
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « tout les remèdes ».
b) « completter ».
c) « pourvu que tu guérisse ».

Notes

[1En juin 1851, Charles Hugo est traduit devant la cour d’assises de la Seine pour attentat à la loi, après avoir publié un article remarqué dans lequel il dénonce la peine de mort à travers le récit d’une exécution particulièrement sauvage dans la Nièvre. Victor Hugo défend son fils lors du procès, le 11 juin 1851. Malgré son plaidoyer associant la défense de Charles Hugo et la dénonciation de la peine de mort, l’accusé est condamné à 6 mois de prison et à 500 F. d’amende.

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