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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey 15 décembre 1852, mercredi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon Toto, bonjour mon amour.
J’ai commencé hier au soir MON JOURNAL [1] et, pour me conformer aux saines traditions, je n’y ai rien mis d’intéressant si ce n’est la date et le jour, absolument comme mes confrères de la grande presse française. Il est vrai que j’écris comme eux, par ORDRE. Taisez-vous, je connais vos TRAMES et je m’en fiche, telle est ma force. En attendant, n’oubliez pas que vous dînez chez le général Le Flô ce soir et que vous devez vous en aller plus tôt. N’allez pas profiter de la circonstance pour venir me voir plus tard. Si vous tenez un peu à mon bonheur oui, mon cher petit Toto, tâche de ne pas m’écorner le pauvre petit moment de joie que tu me donnes tous les jours, le seul que j’ai et qui suffit à grand peine au besoin de mon cœur. Je ne te dis pas cela pour t’obséder mais comme une douce prière. J’espère que tu t’aperçois de mon courage et de ma raison depuis que nous sommes ici, car jamais je n’ai fait de plus sincères efforts pour ne pas te gêner et ne pas te tourmenter depuis que nous sommes dans cette île. Je sens combien tu as besoin de ta liberté de corps et d’esprit, mon pauvre adoré, et je m’y prête autant que je peux pour te la laisser tout entière.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 269-270
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Jersey, 15 décembre 1852, mercredi midi ¾

Je t’ai promis de ne pas te tourmenter, mon cher petit bien-aimé, et je tiens ma promesse sans cesser pour cela de te désirer et de regretter de ne pouvoir pas profiter de ce beau temps pour marcher un peu avec toi. Du reste, mon pauvre petit homme, ce serait le moment d’en profiter pour toi-même car après ton déjeuner rien ne peut être plus hygiénique qu’une petite promenade aux rayons du soleil. C’est un conseil bien désintéressé que je te donne et dans l’espoir d’en faire profiter Mamzelle DéDé. Autant je suis féroce pour les cocottes cosmopolites, autant je suis dévouée cœur et âme à cette belle petite personne dont j’admire la beauté et que j’aime à travers toi.
En attendant, je vais achever ma copie pour t’engager à m’en donner d’autres tout de suite. Et puis je te prie de ne pas oublier que tu dînes en ville ce soir et que je n’aurai pas le temps de te voir si tu ne viens pas un peu plus tôt que d’habitude. Ceci dit je t’attends et je t’aime de toutes mes forces.

BnF, Mss, NAF 16372, f. 271-272
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À la demande de Victor Hugo Juliette rédige un Journal de l’exil ou Journal de Jersey. Juliette ne se conforme que peu de temps à la demande de Victor Hugo car ce nouveau mode « d’écriture de soi » est une occupation qui lui pèse. Le Journal de l’exil débuté le 14 décembre 1852 prend fin le 10 janvier de l’année suivante.

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