Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1852 > Mars > 6

6 mars 1852

Bruxelles, 6 mars 1852, samedi matin, 8 h.

Bonjour toi que j’aime, bonjour le meilleur et le plus charmant des hommes, bonjour, je t’adore. J’ai été bien heureuse hier mon doux bien-aimé quand tu es revenu auprès de moi. Je n’osais pas l’espérer mais tous mes désirs et tout mon cœur étaient tournés vers toi. Que tu es bon, mon Victor, d’avoir quitté toutes ces distractions du monde, toutes les satisfactions d’amour-propre que te donnenta ta renommée et ta beauté pour apporter la joie et le bonheur à l’humble femme qui t’aime plus que tout au monde, plus que sa vie. Merci, mon bien-aimé, merci avec toute la reconnaissance et toutes les bénédictions de mon âme. Ne crains rien de moi, mon Victor adoré, l’amour en me donnant tous les dévouements m’a donné aussi toutes les prudences. Outre l’éloignement naturel que j’ai pour tout ce qui ressemble à la perfidie, de quelque nature qu’elle soit, je sais tout le danger d’un mot dit de trop ou à côté. C’est ce qui me fait fuir sans affectation certaines accointances équivoques. Quant à toi, mon bien-aimé, je ne veux pas te gêner et si tu crois que tu peux sans inconvénient pour ta dignité et pour ta gloire user impunément de certains plaisirs fais-le car dès que je crois que tu regrettes quelqu’un ou quelque chose à cause de moi je suis si triste et si malheureuse que tout vaut mieux que cette pensée. Va rue des Cailles, rue du Persil et chez la Fauqueberg si cela t’amuse en somme ou pèche autant par le désir que par l’action brutale je te croirai aussi bien infidèle par le regret que par l’assouvissement. Mon Victor, je suis triste et honteuse de prolonger mon amour au delà du tien. Je t’assure que ce n’est pas de ma faute et que j’ai bien souvent désiré mourir pour t’épargner cet ennui, mais les femmes ont la vie dure. C’est là leur moindre défaut [1].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 179-180
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « donne ».

Notes

[1Citation parodique de « La Cigale et la Fourmi » de La Fontaine.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne