Paris, 15 février 1881, mardi matin, 11 h. ½
Cher bien-aimé, n’oublie pas que c’est demain l’anniversaire sacré pour moi de notre amour [1]. Je t’y fais penser dès aujourd’hui afin que tu lui fasses honneur dans mon cher livre rouge [2] et que tu le consacresa et le bénissesb à nouveau comme je le fais moi-même à tous les instants de ma vie depuis la première minute où je me suis donnée à toi jusqu’à celle où je t’écris ceci.
J’apprends que Mme Lockroy etc ses enfants ne dînerontd pas avec nous aujourd’hui. M. Lockroy et Georges déjeuneronte à midi précisesg, heure où tu n’es pas pris en général.
Je viens de voir Talmeyrf qui venait de la part de Rochefort te prier de vouloir bien recevoir M. Parnellh, membre, exclu, de la chambre des communes d’Angleterre qui vient au nomi des Irlandais, ses compatriotes, te prier d’élever ta grande voix vénérée et bénie pour intercéder pour eux au nom de la justice et de l’humanité devant le monde entier [3]. J’ai cru bien faire en les invitant à dîner tous les trois : Rochefort, Parnell et Talmeyr demain soir. Si j’ai mal fait j’apporte, sinonj ma tête, qui ne vaut pas la peine de servir d’enjeu, mais ma bonne volonté pleine et entière à te « servir en toute occasion ou privée ou publique » [4].
Iras-tu au Sénat ? That is the question. La séance publique est à deux heures et le programme le même que celui d’hier. Je compte te dire, grosso modok ce qui se prémédite à l’occasion de ton anniversaire [5]. Quant au mien d’anniversaire [6], nous en ferons tous les frais à nous deux en nous aimant de tout notre cœur.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 27-28
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « consacre »
b) « bénisse »
c) « ni »
d) « dînerons ».
e) « déjeunerons ».
f) « Talmeir ».
g) « précis ».
h) « Parnelle ».
i) « aux noms ».
j) « si non ».
k) « grossomodo ».