23 novembre [1841], mardi soir, 10 h. ¼
La pendule s’était arrêtée depuis une heure et nous ne nous en étions pas aperçusa, aussi cette pauvre mère Lanvin a-t-elle pris ce qui lui sert de jambes et de cautères à son cou en compagnie de Suzanne pour aller gagner l’omnibus. Pendant ce temps, j’ai fait rentrer monsieur Jacquot dans sa cage, j’ai apprêté les affaires de nuit et je vous écris dare-dareb quoique vous ne le méritiez guèrec. D’une part le cas et l’usage que vous faites de mes écritures, de l’autre les frisures exorbitantes et les gantsd blancs incommensurables que vous vous appliquez, tout cela me donne le droit de vous flanquer des pilese accompagnées de claques et autres littératures du même style [1]. Vous êtes bien heureux que la mère Lanvin ait été là au moment où vous vous en alliez car je vous aurais frisé et défrisé, moi, d’importance et avec enthousiasme. Je suis sûre que vous allez dans quelque bastringuef de ministère ce soir ou chez quelques cocottes surannées, comme je suis sûre que je vous aime et que je suis une imbécileg stupide. Toto, prenez garde à vous, je vous tuerai. C’est plus que sûr, c’est certain. En attendant, je vous souhaite la pluie, le vent, le tonnerre, les éclairs et les pots de chambre vidés par les croisées sur votre beau casaquin et sur vos mirifiquesh gants blancs. Baisez-moi, monstre de scélérat.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16347, f. 139-140
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « aperçu ».
b) « dar dar ».
c) « guerre ».
d) « gands ».
e) « pilles ».
f) « bastringues ».
g) « imbécille ».
h) « mirifique ».