7 octobre [1841], jeudi, midi ½
Mon cher petit bien-aimé, je désire me tromper et que vous ne soyez pas parti jusqu’à demain à Saint-Prix, mais la vieille cravatea et votre fuite éperdue [1], tout cela sent la campagne mieux que baumeb [2] et je sens mon nez sec cartonner malgré moi [3]. Tout cela ne fait pas mon compte et je commence à me trouver bien victime et bien malheureuse. J’ai bien envie de vous donner de la mort aux rats pour voir comment ça fera. Si ça ne vous donne pas d’amour, ça vous donnera la colique, ce sera toujours ça de gagné. En attendant, je me dépêche pour pouvoir travailler. Je voudrais avoir fini avant ce soir afin que si vous n’êtes pas parti à la campagne vous m’en donniez bien vite, d’autres TRAVAUX. Vous êtes venu seulement pour M’HUMILIER et pas pour autre chose mais je la sais peut-être plus que vous, mon orthographe. Entendez-vous ça, méchant académicien que vous êtes. Tâchez toujours de venir manger votre gigot ce soir ou sinon je le fiche par la fenêtre avec ORTHOGRAPHE. Avec ça que vous la savez bien, vous, l’orthographe, voime, voime.
En attendant, j’ai très mal à la tête et vous ne me faites jamais sortir, ce qui constitue uned hygiène médiocre. Mais quand ça finira-t-il, mon Dieu ? Ça commence à M’EMBÊTER au suprême degré, l’orthographe y est-ellee, dites ? Je vous déteste, vilain monstre, et je brûle de vous revoir pour vous dire un peu tout ce que j’ai sur le cœur. Il y en aura long sans le large et vous verrez un peu de quoi y retourne de ME BLESSER dans mon orthographe. Scélérat, si je [te] tenais, tu en passerais un drôle de quart d’heure, pas de matelas mais de griffes et de giffes à indiscrétion. Baise-moi, monstre, baise-moi et tais-toi. Tu n’es qu’un immonde académicien.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16347, f. 15-16
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « cravatte ».
b) « beaume ».
c) « ce ».
d) « un ».
e) « il ».