Paris, 1er octobre [18]79, mercredi matin, 6 h.
Dors, mon cher bien-aimé, je te couve de l’âme et je te bénis. Il y a longtemps déjà que je suis éveillée mais je m’étais imposé de ne pas me lever avant cette heure-ci. Ma nuit, d’ailleurs, ne valait pas la peine d’être prolongée. Heureusement la voilà finie. J’espère que ma journée se passera tranquillement et que je serai aussi heureuse que je peux l’être, mes misères physiques et morales étant données.
Je vais tâcher de mettre à jour les comptes du mois de septembre afin de te les donner, ce qui sera d’autant moins compliqué que nous avons passé trois semaines hors de la maison [1]. Et à ce propos, tu ne m’as pas dit ce que tu avais dépensé en service et en bonnesa mains et… autres, comme dit Lesclide. Je ne t’en fais la remarque que pour ta comptabilité particulière et pour faciliter ta balance entre ton doit et avoir.
Le froid de la saison s’affirme de plus en plus et il va falloir s’occuper sérieusement aujourd’hui de préparer toutes les cheminées à faire du feu. Je pense avec joie que le moment de rentrer en ville approche de plus en plus et que nous reverrons bientôt nos chers petits voyageurs [2]. En attendant qu’ils tournent bride de notre côté, il faut rapprocher nos deux cœurs le plus près possible l’un de l’autre afin que rien de mauvais ne s’y glisse et nous aimer en conscience.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 233
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « bonne ».