28 juillet 1879

Paris, 28 juillet [18]79, lundi matin, 8 h.

Vivat ! Mon grand bien-aimé ! Tu as passé une bonne nuit et je crois que nous aurons une bonne journée, c’est le cas ou jamais de se réjouir et de s’aimer à la face de Dieu et des hommes. Jusqu’à présent il n’est venu aucune nouvelle^a du Sénat et je pense qu’il n’en viendra pas et que tu fais bien de n’y pas aller.
Je voudrais prendre sur moi d’écrire à M^me Bergerat [1] pour l’inviter pour samedi avec son mari mais je recule devant la rédaction du poulet [2]. Autant j’ai d’entrain dans mes élucubrations quand elles sont pour toi, autant je suis embarrassée et hésitante quand il s’agit d’en faire pour d’autres. Cependant je reconnais que cette fois il faut m’exécuter ne fût-ce^b que pour les remercier de l’envoi de leur journal illustré [3].
Autre guitare : le mariage de M^lle Gagneur. Encore une guignée par l’ardent Pelleport et qui lui passe sous l’aquilin sans plus se soucier de ses sonnets. Heureusement qu’il est doué d’un si bon caractère qu’il ne s’en afflige pas, au contraire.
Nous allons être bientôt réduits à nous-mêmes par le départ de ta famille et de nos amis. Loin de m’en plaindre je m’en réjouirais si je sentais que je te suffis comme tu me suffis mais je n’ai pas cette outrecuidance de penser qu’il en est ainsi. Et d’ailleurs qui donc pourrait avoir l’impiété de penser pouvoir remplacer tes deux adorables petits-enfants [4] ?

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 189
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « nouvelles ».
b) « fusse ».