24 mai [1841], lundi matin, 10 h. ½
Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher petit bonhomme. Comment vas-tu mon amour ? Je t’aime, je t’aime, je t’aime.
J’ai encore été réveillée par des coliques ce matin avant cinq heures. Après m’être bien tortillée et avoir avaléa une tasse de bouillon, je me suis endormie jusqu’à neuf heures. Depuis j’ai toujours eu des coliques, absolument comme si j’avais pris une médecine. Cependant il n’en est rien et je ne prends même plus de sirop depuis quatre ou cinq jours. Je ne sais donc à quoi attribuer ce ramonage officieux qui se fait sans provocation directe de ma part. Ce soir j’avalerai la médecine, nous verrons ce qui lui restera à faire mais pour peu que cela continue il ne lui restera pas grand balayage à faire [1].
Jour Toto. Quelle aimable lettre ! Quel joli sujet ! Et quel beau style ! On voit que la MATIÈRE abonde. Ia ia monsire Bigartet [2], il est son sarme. Je vous prie d’être indulgent pour ce dessin, ma plume se prête difficilement à des chefs-d’œuvre mais je crois que vous pourrez encore très bien blasonnerb mes SARMES pour peu que vous y mettiez de la bonne volonté.
[Dessinc]
Je crois qu’elles pourraient figurer avec honneur entre les dindonneaux de Dumas ? L’anguille de Balzac ? Le merlan de Guizotd et le persil de l’habit d’Ancelot [3] ? Qu’en dites-vous, je vous aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 183-184
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « avaler ».
b) « blasonné ».
c) Dessin d’un blason représentant des tasses et des médicaments ?
- © Bibliothèque Nationale de France
d) « Guizault ».
24 mai [1841], lundi après-midi, 4 h. ¼
Je viens de trouver la lettre de Forbach dans celles que tu m’as apportéesa. J’espère qu’elle n’aura causéb aucune perturbation chez toi car tu n’avais pas l’air d’un homme inquiété ni contrarié [4] ?
Il paraît que la fameuse robe se décide à se mettre en route, depuis près de deux ans, ça n’est pas malheureux, mais ce qui l’estc hideusement c’est de payer des frais de transport et d’emmagasinage pour une robe que la douane (très experte en matière d’étoffe) déclare être une robe de mousseline de laine DE COTON. Horreur !!! Malédiction !!! Damnation !!! Exécration et confusion !!!!!!d Il faut que je m’en explique avec Fifine [5], je vais lui écrire à ce sujet et lui envoyer la lettre tout de suite car si la robe doit arriver immédiatement il serait bon de savoir au juste à quoi s’en tenir sur la substance réelle de cette absurde robe. Il serait parfaitement inutile de donner trois sous pour une cochonnerie de robe de mousseline de laine DE COTON qui aurait traîné pendant deux ans de hangar en hangare, de douane en douane et de diligence en diligence, voilà mon opinion [6]. À propos d’autre chose désagréable, je te dirai que le petit carrossef est devenu inraccommodable, du moins pour moi, et que j’ai été forcée aujourd’hui de le remettre dans la boîte jusqu’à ce que tu veuilles bien me l’arranger. C’est triste et [cela] me contrarie plus que je ne peux te le dire [7]. Je t’aime mon Victor, je t’adore mon Toto.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 185-186
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « apporté ».
b) « causée ».
c) « ce qu’il l’est ».
d) Il y a six points d’exclamation.
e) « de hangard en hangard ».
f) « carosse ».