23 mars [1838], vendredi matin, 11 h. ¾
Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour ma joie, bonjour mon Bonheur, bonjour mon Toto, je ne t’ai pas écrit tantôt quoique ma première pensée fût pour toi et que je n’aie pas cessé depuis que je suis réveillée de te désirer et de t’aimer mais il m’a fallu fourbir Claire et l’habiller, on est venu la chercher et elle est partie avec la mère Lanvin. Me voilà donc seule et j’en profite pour t’ouvrir mon âme qui n’a jamais été plus pleine de ta pensée et de ton image. Je t’aime comme tout, je ne connais pas de mot suffisant pour exprimer comment je t’aime car je t’aime mieux que tout, je t’adore. Je t’ai à peine vu hier, ce serait bien charmant si tu pouvais me donner quelques bonnes heures aujourd’hui maintenant que Claire est partie. J’espère que vous vous souviendrez qu’il y a trois semaines que n’avons déjeuné ensemble. Je ne l’oublie pas moi qui compte les jours, les heures et les minutes. Jour mon Toto, jour, je t’adore. Il fait bien froid et bien triste et si tu venais je trouverais qu’il fait bien chaud et bien [gai ? joie ? gaie ?] parce que tu es mon soleil et ma lumière. Je t’aime, viens, viens, je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16333, f. 176
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain