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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mars 1838

17 mars [1838], samedi midi

Bonjour, mon petit homme adoré, comment as-tu passé la nuit ? Moi j’ai pensé et rêvé de toi toute la nuit, c’est ce qui peut m’arriver de plus heureux pendant ton absence. Je t’aime mon Toto. Je voudrais te servir à genoux le jour et la nuit me coucher à tes pieds. Je t’aime de toute mon âme, je ne sais pas bien le dire mais je sais bien le sentir. Je t’adore, je voudrais savoir si j’aurai ma petite loge ce soir, ce serait une bien grande désolation pour moi que de ne pas assister de corps, d’esprit et de cœur au triomphe de ma sublime Marion. Mon cher adoré, je ne sais pas t’admirer parce que je t’aime trop. J’ai oublié tous les mots et toutes les idées qu’ils expriment, je n’ai qu’une seule chose avec laquelle je dis tout et à travers laquelle je vois et je comprends tout ce qui est beau, noble et bon, c’est mon amour. Je t’aime veut dire, dans de certains moments, je t’admire. Je t’aime, c’est tout mon esprit, toute ma science, toute ma vie. Je t’aime, je ne sors pas de là, je m’y trouve trop bien.

Juliette


BnF, Mss, NAF 16333, f. 158-159
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain


17 mars [1838], samedi soir, 5 h. ½

Il paraît, mon cher bien-aimé, que je ne verrai pas Marion ce soir ? C’est une surprise agréable que me fait Védel et dont je lui tiendrai compte dans l’occasion. Ne te voyant pas venir, je ne me suis pas habillée. Dans tous les cas où tu aurais à faire au théâtre ce soir, je te prie de me mener avec toi, ce sera toujours autant de bonheur de pris et j’en suis chiche car je ne suis pas très favorisée de ce côté-là. Que deviens-tu donc, mon cher bien aimé, de ce temps où il n’est guère commode de se promener ? J’ai dans l’idée que tu es allé faire des visites et que tu me le caches. Peut-être même iras-tu dîner chez cette madame Turlututu qui t’invite régulièrement tous les samedis ? Alors je comprends l’absence de la loge C. Ce Védel est la complaisance même. Voici que cette idée me trotte par la lettre et jusqu’à ce que je t’aie vua, je ne serai pas tranquille. Que le diable emporte l’amour et la jalousie, on ne peut pas être une minute sans souffrir et sans être comme un rat empoisonné, surtout moi qui renchéris sur ces deux maux de toutes mes forces. Je bisque, je rage, je souffre, je t’aime et tu ne viens pas. Quel bonheur !

Juliette

BNF, Mss, NAF 16333, f. 160-161
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « jusqu’à ce que je t’ai vu ».

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