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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 21 décembre [18]63, lundi matin, 9 h. ¾

J’espère que tu dors encore, mon cher petit homme, et j’en suis heureuse car tu dois être bien fatigué, non seulement à cause de l’heure inaccoutuméea où tu t’es couché mais aussi à cause des assauts réitérés tentésb par Lacroix pour t’arracher le plus de choses possibles de ta splendide réserve de chefs-d’œuvre. Jusqu’à quel point aura-t-il réussi, je ne le sais pas, mais il m’a paru bien joyeux et bien triomphant lorsqu’il nous a quittés cette nuit. Je souhaite que sa joie ne t’ait pas coûté trop cherc et que tu n’en aies que mieux dormi pendant tout le reste de la nuit. Ce matin j’ai vu M. Ulbach qui se faisait un bouquet dans ton jardin avant de partir. Tout à l’heure j’ai vu le bateau qui les emmène s’éloigner à toute vapeur ; donc bon voyage à ces deux braves visiteurs, dont un ÉDITEUR [1]. Nous voici de nouveau réduits à nous-mêmesd ; je dirais presque tant mieux si je ne pensais qu’à moi qui n’en suis jamais plus heureuse que lorsque nous ne sommes que nous deux. Mais il ne peut pas en être de même pour toi et encore moins pour ton cher petit Toto ; aussi je rengaine ma satisfaction égoïste envers vous, souhaitant ce genre de visiteurs le plus souvent possible. En attendant j’ai mis à profit les quelques heures qui restaient de la nuit en dormant à poing et à œil fermés. Je me sens remise tout à fait ce matin des fatigues et des ennuis de l’avant-veille jusqu’au prochain déraillement prochain. Je regrette maintenant de t’en avoir parlé. Il fallait que je fusse hors des gonds pour t’occuper de mes infortunes de domestique. Une autre foise je tâcherai de garder cela pour moi toute seule. Jusque-là je prends courage et je t’aime à toute épreuve du feu, de l’eau et des servardes. Quel beau temps aujourd’hui, mon cher petit homme, et comme je voudrais être sûre de pouvoir profiter bras dessus bras dessous avec toi. Mais j’ai tant et tant de choses à faire d’ici-là. Sans compter probablement, et je le désire, la collation avec Mme Chenay. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 288
Transcription de Gérard Pouchain

a) « inacoutumée ».
b) « tenté ».
c) « coûtée trop chère ».
d) « réduit à nous-même ».
e) « autre fois ».

Notes

[1« MM. L. Ulbach et A. Lacroix sont partis ce matin, retournant l’un en France, l’autre en Belgique. » (Agenda de Victor Hugo, 21 décembre 1863)

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