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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 mai 1849

15 mai [1849], mardi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, que la santé, et le bonheur soient avec toi comme y sont déjà ma pensée et mon amour. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme ? As-tu bien dormi cette nuit ? Penseras-tu à prendre de ton no 2 aujourd’hui [1] ? Si j’étais auprès de toi, je ne te le laisserais pas oublier. Mais d’ici, je tourne à vide dans ma sollicitude, sans aucun résultat, comme un pauvre écureuil dans sa cage. J’espère que cette petite indisposition n’aura aucune suite grave et qu’elle te préservera au contraire de l’affreux choléra dont le nom seul me fait horreur. Cependant, il ne faut pas faire d’imprudence, aucun excès, pas plus celui du travail que les AUTRES et se préserver du froid et de l’humidité. Avec ces précautions, il est presque possible de se soustraire à l’épidémie du moment. Du moins, je fais tout ce que je peux pour y croire car sans cela je n’aurais pas une seconde de tranquillité, non pour moi dont je me soucie médiocrement, mais pour toi, ma joie, mon bonheur, ma vraie vie. Si tu savais à quel point je t’aime et comment je t’aime, mon grand Victor, tu en serais touché jusqu’au fond de l’âme et tu m’aimerais de force. Je n’ai pas une pensée dont tu ne sois l’objet, pas un désir dont tu ne sois le fond, pas une aspiration dont tu ne sois le but, pas un regret qui ne te contienne tout entier, pas une joie qui ne me vienne de toi, ma vie touta entière c’est toi. Tu le sais, n’est-ce pas mon bien aimé ? Tu sais combien mon amour diffère de ces amours vulgaires, qui ne sont qu’à la surface et ne durent pas plus que la jeunesse et la beauté ? Le mien me suivra par delà le tombeau car il est ma vraie âme.

Juliette

MVHP, MS a8208
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

a) « toute ».


15 mai [1849], mardi soir, 8 h. ½

Comment, mon cher adoré, tu es venu et je n’étais pas chez moi ! C’est pour en crever de dépit, mieux que cela, de regrets et de tendresse rentrée qui n’auraient pourtant pas mieux désiré que de sortir de mon cœur pour aller au tien. Décidément, je ne suis pas chanceuse et cette fois, grâce à l’insistance de ce pauvre Vilain, que j’ai trouvé à table et qui s’était mis en tête de venir me reconduire. Et puis, j’étais bien loin de penser que tu reviendrais si tôt, de sorte que je me suis attardée comme une bête que je suis. Dans ce moment-ci, outre le chagrin de t’avoir manqué, s’ajoute l’inquiétude de te savoir plus souffrant car il paraît que tu es venu en voiture, ce qui me fait craindre que tu ne sois moins bien que lorsque je t’ai quitté. S’il faut que je garde cette inquiétude jusqu’à demain, je ne sais pas ce que je deviendrai car déjà le sang me monte à la tête et l’impatience s’empare à la fois de tout mon être. Mon Dieu, quelle stupide idée j’ai eue d’écouter les balivernes de tous ces braves Vilain. J’aurais bien mieux fait de passer mon chemin tout droit sans aller m’informer s’il ne leur était rien arrivé. Bien, décidément, je suis absurde et faite pour tous les guignons. Du reste, je suis allée payer tes souliers. Je tenais à voir par mes yeux la physionomie de Paris dans ses divers quartiers. Je n’ai rien vu qu’un bureau de dépouillement de scrutin rue Saint-Louis dans lequel les hommes en blouses affluaient. Mais tout cela ne m’intéresse plus à l’heure qu’il est. Ce que je voudrais savoir c’est comment tu vas. Je donnerais tout au monde pour être sûre que tu vas bien et que c’est par prudence seulement que tu as pris une voiture pour revenir. Mais qui me dira cela d’ici à demain ? Personne probablement, aussi, je suis la plus punie et la plus malheureuse des Juju.

MVHP, MS a8209
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1À élucider.

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