Guernesey, 25 juin [18]63, jeudi matin après-midi, 2 h. ¾
Que Dieu t’envoie de bonnes nouvelles aujourd’hui, mon cher bien-aimé, pour que j’en aie le reflet et la joie dans mon âme ce soir. J’apprends que tes braves hôtes s’en vont demain ; je le regrette pour toi et surtout pour ceux qui doivent être bien heureux, bien honorés et bien touchés de ton hospitalité si noble, si tendre et si cordiale. J’espère que si M. Bastide revient te voir l’année prochaine [1], je serai plus en état de le recevoir qu’en ce moment où je suis vraiment trop à l’étroit et bien fatiguée. Depuis ce matin je trime comme une pauvre MALCENAIRE [2] et ma chambre n’est pas encore faite et j’aurai encore à m’habiller et à mettre le couvert. Tout cela sera fait en temps et heure mais cela ne me laisse pas une minute pour respirer et j’arrive épuisée au bout de la journée. Il est vrai que, dès que tu parais, tout est oublié, réparé et reposé et je ne sens plus que le bonheur de t’avoir. Il en sera ainsi ce soir, je le sens déjà d’avance, et MM. Bastide pourront se croire chez une femme qui a bon pied, bon œil et le reste à l’avenant. Je ferai tout ce qu’il faut pour qu’ils emportent cette illusion sur ma pauvre vieille carcasse. En attendant, je M’ÉPÊCHE, je M’ÉPÊCHE, et je t’adore en courant quatre à quatre sans m’arrêter ni me lasser jamais. Est-ce que je ne te verrai pas entre quatre zyeux avant le dîner ? Je suis sûre que tu feras tout ton possible et je t’en remercie d’avance de tout mon cœur.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 167
Transcription de Gérard Pouchain