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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 13 octobre 1863, mardi matin 7 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime. Je ne peux pas te dire mieux ni plus car toute mon âme est dans ce seul mot : je t’aime. J’espère que la tempête carabinée de cette nuit ne t’a pas empêché de dormir et que la pluie n’a pas recommencé d’autres dégâts chez toi. Quant à moi j’ai dormi comme une souche toute la nuit. Jamais je ne me suis aussi bien portée qu’à présent et je ne prévois pas que je puisse jamais mourir à moins qu’on ne me tue. Donc, mon cher petit homme, il faut régler votre pas sur le mien pour que nous arrivions ensemble au même but. Ceci est déjà convenu depuis longtemps mais il n’y pas de mal à se rappeler ses engagements de temps en temps afin de ne pas les oublier. À propos d’engagement, mes ouvriers continuenta de rester invisibles et problématiques malgré la sacrée promesse de leur chef hier au soir. Cela ne me promet pas un prompt débarras de mes tribulations et je crains bien d’être forcée de passer l’hiver au milieu de mes quatre murs [enfermée  ?]. J’en prends d’avance mon parti, trop heureuse si tu m’aimes ici comme là, partout et ailleurs. En attendant je vous permets d’aller à votre rendez-vous tantôt mais je ne veux pas rire avec la pensée de la pauvre femme qui te l’a donné, les malades étant presque aussi sacrés que les morts. Je l’engage seulement à résister à travers elle aux exigencesb peu raisonnables du mari qui ne demanderait pas mieux que de faire de ton grand nom le piédestal de sa petite personne. Je te dis çac comme je le pense et sans crainte de te sembler outrecuidante des conseils dont tu n’as que faire. Je pense tout haut avec toi, mon grand bien-aimé, et je t’écris de même sans me préoccuperd de ma pose et de l’attitude de mes pensées que des indifférents ou des malveillants pourraient trouver ridicules et malséantes. Le vrai amour comme le mien n’a pas besoin de coquetterie. Tant pis pour ceux qui le regardente de travers. Mais voici mes OUVRIERS, enfin, cela n’est pas malheureux, reste à savoir s’ils ont l’intention de travailler consciencieusement. THAT IS THE QUESTION. Espérons jusqu’à preuve du contraire. Jusque-là moi je vous baise activement et sans désemparer. C’est à vous faire le RESTE.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 223
Transcription de Gérard Pouchain

a) « continue ».
b) « exigeances ».
c) « sa ».
d) « préocuper ».
e) « regarde ».

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