Guernesey, 20 décembre 1855, jeudi soir, 7 h. ½
Que tu es adorablement bon, mon cher petit homme, de paraître t’intéresser à mes pauvres restitus et de t’apercevoir lorsqu’elles te manquent. Quant à moi, il m’arrivea souvent de rougir de ma bêtise vis-à-vis moi-même. Mais dès que je regarde dans mon cœur, je reprends confiance et je te donne mon amour à tort et à travers avec audace sans m’inquiéter du qu’en dira-t-il ? Ce soir, par exemple, je suis encore plus cruche que d’habitude et bien cela ne me retient pas. AU CONTRAIRE, je me sens plus en train que jamais de t’aimer par-dessus les moulins. Cher, cher adoré, je te bénis comme le Dieu réel, palpable et rayonnant de ma vie. Tout ce que j’ai de joie me vient de toi. Toute mon âme s’abîme en toi. Je regrette de ne savoir pas mieux te raconter mon cœur mais à défaut d’esprit je te donne la bonne mesure de mon amour avec la douce certitude que plus je t’en donne et plus il m’en reste [1] ! J’espère que je vais te voir ce soir encore un bon petit moment et je m’en réjouis d’avance dans tout mon être. Mais j’attendrai que tu aies un peu de temps à me donner dans le JOUR pour m’aider à choisir le plus beau dessin des plus beaux dessins car dans l’embarras de choix je les CHOISIS TOUS et vous avec par-dessus le marché.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16376, f. 406-407
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
a) « ils m’arrivent ».