Guernesey, 26 mai 1862, lundi, 7 h. ½ du m[atin]
Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour de toute mon âme. Je crains que tu n’aies pas encore passé une bien bonne nuit puisque tu es encore au lit ce matin malgré le beau soleil. Du reste, mon pauvre adoré, tu fais bien de reprendre le matin ton sommeil perdu la nuit, cela vaut mieux encore que de te lever fatigué et n’ayant pas suffisamment dormi. Quant à moi, je dors à faire envie à une bûche, mais cela ne me suffit pas, bien loin de là, et tant que tu n’auras pas retrouvé tes bonnes nuits d’autrefois, je ne serai pas contente. Qu’est ce donc qui pourrait te les rendre ? Peut-être ne marches-tu plus assez ? Aujourd’hui, il me semble que tu n’as plus d’épreuves à corriger à moins que Bruxelles ne t’en envoie tantôt, mais cela ne devrait pas t’empêcher de marcher au moins assez pour te faire dormir. D’abord j’ai mon bain, et après mon bain tant que tu voudras et ce soir tant que tu voudras encore. Pourvu que tu parviennes à rattrapera tes bonnes nuits de Mont-Saint-Jean [1], je me sens la force de faire le tour du monde sur mes jambes.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 135
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
a) « rattrapé ».