Guernesey, 12 mai 1862, lundi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon tout adoré, bonjour, amour et bonheur si tu as passé une aussi bonne nuit que la mienne comme je l’espère de tout mon cœur.
Du reste, il fait un temps assez maussade ce matin et pas encourageant pour la promenade ou pour le bain. Dans le cas où il se lèverait d’ici à tantôt, le temps, et si cela ne te dérange pas trop de ton travail, j’irais prendre un bain car demain, jour de festival, je ne le pourrai pas et mardi, jour de grand courrier, cela te gênerait. Puis viendra tout de suite après le grand coup de feu de la seconde apparition des Misérables [1]. Tu vois que toutes ces circonstances étant données, je ferai bien de profiter d’une éclaircie aujourd’hui, si elle se produit. En attendant, je me prépare tout doucement et en consultant mes nombreuses douleurs les unes après les autres… Que dites-vous du sel de cette restitus, auteur des Misérables ? quel plaisir pour vous de fourrer votre cher petit museau jusqu’au cœur et d’avoir l’air d’en être heureux ? Quant à moi, cela ne me regarde pas. Je suis comme le coq de vilain, « je fais ce que je peueueueu ! » [2]
BNF, Mss, NAF 16383, f. 121
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa