Guernesey, 17 novembre 1861, dimanche, 7 h. ½ du matin
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, toi, bonjour, tout, bonjour mon amour béni. Comment as-tu passé la nuit et comment se comportent tes gargouilles dès ce matin ? J’espère qu’il n’y paraît plus maintenant, surtout si tu as passé une vraie bonne nuit, comme je le désire et je l’espère. Du reste, il fait un froid de chien ce matin et tu feras bien de rester chaudement dans ton lit le plus tard possible. Ces recommandations faites du fond de mon cœur, mon doux adoré, je continue mon papotage à travers choux [1] et Mme Chenay qui est bien la plus charmante petite mignonne femme qu’on puisse trouver. Je ne le dis pas seulement comme l’éloge de Mme de Sévigné du GRAND ROI, mais pour ce qu’elle montre d’affection tendre et dévouée pour toi. Je le dis de la grâce sérieuse et vertueuse avec laquelle elle aime son gros bonhomme de mari, qui se laisse faire avec une fatuité bourrue qui découragerait beaucoup d’autres femmes. Qu’est-ce que je dis encore, que je vous adore et que je suis ravie de vous avoir fait une scène hier devant tout le monde sur votre manie de faire mouiller votre lit tous les jours. Cela vous apprendra à faire des bêtises, mais en revanche, j’applaudis de toute mon âme à vos générosités de Crésus quand elles tombent sur votre petit Toto [2] et sur tous les chers vôtres.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 154
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette