21 mars 1861

Guernesey, 21 mars 1861, jeudi matin, 7 h. ½

Bonjour mon cher bien-aimé : bonjour que toutes les bénédictions de Dieu soient avec toi. Comment as-tu passé la nuit mon cher adoré ? Comment va ta gorge ce matin ? Je crains que le mauvais temps de cette nuit ne t’ait empêché de dormir mais quelle joie pour moi si ma crainte n’est pas fondée ! En attendant je fais force de voile et de rame pour être prête à partir au premier jour de beau temps. Il faudra tâcher de ton côté d’emporter ou plutôt de faire emporter sous tes yeux par Suzanne tous tes papiers aujourd’hui car je ne suis pas tranquille de les voir en tas et sans ordre comme ils sont en ce moment dans ma chambre. Il faudra aussi que tu achètes le sac aux manuscrits tantôt [1] ; et à ce propos je te rappelle la note de Mauger. Il me semble qu’il est difficile de laisser cette dette derrière nous, n’étant pas sûrs du temps que nous serons absents. En outre j’ai oublié de porter sur mon compte hier la note d’Hallen que j’avais payée le matin même portant à 12 F. 12 sous pour le raccommodage de ma montre qui seront à ajouter à ton bas et à ton quassia [2]. Enfin, mon pauvre adoré, mon avis est qu’il ne faut pas que je laisse un liard de dette derrière moi ; et, à moins que tu ne puisses ou ne veuilles^a pas qu’il en soit ainsi, je tâcherai de payer tout ce que je dois. Voilà une restitus assez maussade et qui me laisse à peine l’espace pour te baiser de tout mon cœur.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 79
Transcription de Florence Naugrette

a) « que tu ne puisse ou ne veuille ».