Paris, 25 août 1882, vendredi matin, 9 h.
Je suis bien contente, mon cher bien-aimé, que tu aies bien passé la nuit. Je ne sais pas si tu as bien dormi toujours mais je suis sûre que tu n’as presque pas toussé, ce qui est déjà un triomphe. Quant à moi, je suis encore logée à la même enseigne, insomnie et souffrance ; du reste je me porte bien, à ce qu’on dit. Le temps est comme moi ce matin, assez grimaud [1] et assez geignard. Cela n’empêche pas tes enfants [2] de faire joyeusement leurs préparatifs de départ pour demain matin à six heures. C’est à peine s’ils auront le temps de se coucher. Hélas, que ne pouvons-nous les suivre dans leurs pérégrinations à travers choux, monts et vaux et…. AUTRE ! Et à ce propos, mon doux adoré, je te fais souvenir de l’invitation très aimable et très tentante de Vacquerie [3], mais aussi très délicate et très difficile à accepter, surtout pour moi, qui suis tout à fait hors de combat et incurable. Penses-y très sérieusement et décides-en d’après ta sagesse ; mais sans tarder plus longtemps pour ne pas leurrer cet excellent ami et l’empêcher d’utiliser agréablement sa précieuse hospitalité. Je souscris d’avance à ce que tu décideras ; pourvu que tu m’aimes et que tu sois heureux, je consens et je suis prête à tout.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 154
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette