Paris, 28 juin 1882, mercredi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je suis encore très patraque, mais je veux l’oublier en t’écrivant toutes sortes de douces choses en un seul mot : je t’adore ! Tu n’as pas de Sénat aujourd’hui et tu n’en auras que samedi 1er juillet. À deux heures réunion dans les Bureaux ; à trois heures séance publique. Si ce que Jules Ferry a dit hier à Ménard Dorian est vrai les chambres siégeront encore pendant un grand mois ce qui abrégera de beaucoup notre villégiature à Guernesey, si nous la faisons. Il est possible, aussi, que d’ici là les affaires d’Égypte [1] s’arrangent plus tôt qu’on ne croit et à la satisfaction de tout le monde. Qui vivra verra. En attendant, je fais force de voile et de rame pour arriver en même temps que toi au port éternel. Je crois que le moment est venu de faire jouer la scie des rappels ; et en tête celui d’envoyer le mois de Mme Chenay [2] ; et en queue celui de répondre à l’invitation du Conseil Municipal pour l’inauguration de l’Hôtel de Ville et le banquet qui auront lieu le 13 juillet à six heures précises [3]. Je garde pour moi la scie d’écrire au pseudoa artiste [4] de venir reprendre son chef d’œuvre hideux tout de suite. Entre temps, je reviens à mon mouton qui ne demande qu’à bêler : je t’aime, je t’aime, je t’aime.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 123
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « speudo ».