Paris, 24 mars 1882, vendredi matin, 8 h.
Comme toi, mon pauvre bien-aimé, je n’ai dormi que très peu et à bâtons rompus ; aussi suis-je bien fatiguéea ce matin. Cependant, malgré cette nuit agaçante, je ne me sens pas trop mal et j’espère que je suis en train d’aller tout à fait bien. Le temps grippé de ces derniers jours recommence à s’humaniser aujourd’hui. Le soleil rayonne, les arbres verdissent, les oiseaux s’appellent et les petits enfants qui vont à l’école se poursuivent en riant. Tout est à la joie, au printemps, à l’amour et au bonheur. Profitons de toutes ces bénédictions pour nous aimer encore plus profondément, plus passionnément, plus religieusement ; soyons heureux devant Dieu et devant les hommes comme nous le sommes au fond de nos âmes et adorons-nous saintement. Tu n’auras sénat que demain samedi à deux heures. Mais, entre nous, je crois que tu pourras te dispenser d’assister à cette séance toute d’intérêt local. Au reste tu verras ce qu’il te convient de faire en cela comme pour le reste ; moi je ne suis que ton humble servante passive qui t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 36
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « fatigué ».