Paris, 10 mars 1882, vendredi matin, 8 h.
Bonjour, mon bien-aimé, j’espère que tu es suffisamment content de ta nuit, comme je le suis de la mienne, et je nous en félicite tous les deux. Je serais tout à fait satisfaite, même, n’était le brouillard épais qu’il fait en ce moment et l’équipée de Gavroche qui, ayant passé la nuit dans le jardin, et tout mouillé et tout imprégné des suies du toit de la véranda a trouvé bon de sauter par la fenêtre de ma chambre et de là sur les draps blancs de mon lit qu’il a souillésa dans tous les sens en y imprimant ses quatre pattes noires et boueuses. J’ai saisib avec empressement, comme bien tu penses, ce prétexte à bougonner et à geindre dont tu te plains, avec tant de raison, chaque fois que tu en es témoin. À part cet incident, tout est pour le mieux dans ta maison. Tu as une foule de lettres à propos de l’indemnité du deux Décembre dont il serait utile que tu prennes connaissance avant la terminaison du travail de la commission [1]. Cela me fait penser à inviter Lesclide et sa belle-sœur à dîner ce soir. Il pourra, si tu le veux, répondre aux demandes les plus pressées et envoyer, dans tous les cas, ces réclamations au Comité. Maintenant, mon grand petit homme, que je t’ai dégoisé tout mon répertoire de pie borgne je te donne tout mon cœur dans ce seul mot : je t’aime !
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 21
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « souillé ».
b) « saisie ».