Paris, 2 mars 1882, jeudi matin, 7 h. ½
Cher bien-aimé, si tu es content de ta nuit, je ne suis pas fâchée de la mienne. Si tu m’aimes, je t’adore. Je t’ai laissé en train de dormir comme une soupe. Moi, pendant ce temps-là, je vais me tremper dans un bon bain. J’espère que j’en sortirai comme Vénus de Londres, capitale de l’Angleterre, avec tous mes avantages physiques et moraux. Le temps, d’ailleurs, se prête admirablement à ces exhibitions Amphitritea… et autre comme dirait Lesclide. Tu as Sénat tantôt à deux heures. Tâche de n’y pas aller trop tard pour profiter du bon soleil. Puis, si tu dois rester à la séance, dis-le moi pour que je puisse aller voir ma pauvre sœur [1] que je n’ai pas vue depuis plus de trois mois. Voici qu’on m’appelle pour le bain. Je me dépêche de te donner, bou-ci bou-là [2], toutes les tendresses que j’ai dans le cœur. Je me sens si bien en ce moment que je te souris à grandes volées pour te dédommager un peu de toutes mes grimauderies [3] douloureuses de ces derniers temps. Cher adoré, sois béni. Je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 14
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « Amphytrite ».