BnF, Mss, NAF 16322, f. 292-293 / 8 décembre 1833 ?

Dimanche soir, 8 h. ½ [1]

C’est encore plus fort à présent, c’est-à-dire plus triste. Je ne sais plus où j’en suis. Si cela continue, je serai malade demain, car il est impossible d’être plus abattue et plus démoralisée^a que je ne le suis. Pourtant je t’ai revu, j’ai même l’espoir de te revoir encore ce soir, mais tout cela ce n’est qu’une fraction, un morceau de bonheur de ce tout que j’avais encore hier, plein et entier. Vraiment je me surprends à pleurer comme si c’était un coup inattendu et cependant, hier au soir à la même heure, mon sursis ne m’avait pas encore été accordé. Je crois que je serai longtemps avant de me consoler de la perte de notre fougueux équipage y compris cet affreux Pierre [2]. C’EST UN PEU DUR DE CAFÉ d’en être réduite à pleurer^b la perte de ces deux espèces d’animaux.
Je vais me coucher TOUTE SEULE. C’est fini à présent, je ne peux ni être couchée, ni assise, ni debout, sans regretter le temps où je me couchais, je me levais, je marchais, je m’asseyais auprès de toi et le reste. Il paraît que je suis rentrée^c dans LES SABRES qui pavent le chemin de la vie de tous^d ceux qui aiment.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16322, f. 292-293
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « démoralisé ».
b) « pleuré ».
c) « rentré ».
d) « tout ».