Jeudi, midi et ½
Cher bien-aimé, ne te fâche pas si je vais à ta répétition [1]. La chose qui pouvait me décider le plus, c’était de ne pas t’avoir vu ce matin. La seconde, tu la connais, moitié sérieuse et moitié absurde, elle ne m’en tourmente pas moins. Je vais faire tout mon possible pour me raisonner afin de rester à la maison. Si je n’y parviens pas, tu ne m’en voudras pas, n’est-ce pas ? Car alors j’aurai cédéa au désir de te voir.
Je laisse cette page blanche pour t’écrire l’heure, la minute, et l’impression sous laquelle je serai partie. Celle sous laquelle je t’écris à l’heure qu’il est, est l’amour le plus pur, le plus vif.
Juliette
2 h. moins ¼. Je viens d’envoyer chercher un fiacre, Dieu veuille que tu sois au théâtre, que tu y sois comme je le désire, c’est-à-dire seul, occupé seulement de ta pièce et de moi. J’espère que tu m’accueilleras avec un bon sourire. Je l’aurai bien mérité.
2 h. moins 10 minutes. Je descends.
BnF, Mss, NAF 16322, f. 231-232
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « cédée ».