Guernesey, 28 septembre 1858, mardi matin, 8 h.
Bonjour, mon bon petit homme ; bonjour, je t’aime. J’espère que tu as passé une bonne nuit malgré et peut-être même à cause de la bonne fatigue d’hier. En te voyant partir pour cette partie de plaisir si pâle et en apparence si faible, je craignais que cela ne te fît mal mais j’ai été bien agréablement rassurée hier au soir en te retrouvant si gaillard et si gai. Quant au docteur, il était au septième ciel et ses grandes jambes ne touchaient plus terre. En revanche, le pauvre Quesnard était plus pattu [1] que jamais, et sa fureur faisait un curieux contraste avec vos joyeusetés. J’avoue cependant que je vous ai trouvé féroces d’agacer ce gros homme au point de lui faire perdre la tramontane [2] et le sentiment du respect qu’il vous doit. Je me trompe probablement car nul ne sait mieux que toi où commence et où finit l’irrévérence et la dignité. Aussi, ce que j’en dis n’est que mon impression personnelle à laquelle j’attache encore moins d’importance que toi-même. D’ailleurs, je suis trop contente de te savoir rentré dans la circulation pour chicaner sur le plus ou moins de pots cassés et de politesses fêlées. Je t’adore.
Juliette
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 275
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette