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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 16 août 1858, lundi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, bonne santé, bon amour et bonheur mon cœur envoie à ton réveil, [illis.] doux adoré. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que ton pansement matinal ne te fatiguera pas trop. À ce sujet, le docteur disait hier au soir, que tu pourrais dormir encore quelques heures par-dessus ton pansement, ce qui te ferait grand bien. Quant à moi, je te supplie de faire tout ce qu’il faut pour te guérir le plus tôt possible et je t’y aide avec tous les vœux de mon cœur et de mon âme, à défaut de mes soins que je ne peux pas te donner jour et nuit.
Je vais me dépêcher de faire toutes mes affaires pour être tout à toi quand tu viendras tantôt. À propos, as-tu su l’incendie d’hier au soir ? Il paraît que cela pouvait être très désastreux à cause de la poudre qui se trouvait dans les caves de la maison. Heureusement, on en a été quitte pour un toit enlevé par l’explosion des pièces d’artifices qui se trouvaient dans les greniers, du moins, c’est ce que disaient Marquand et Mlle Allez que cela intéressait un peu plus chaudement que moi à cause du voisinage immédiat de la maison de Mlle Allez et de Mme Ménage que la maison incendiée menaçait de chaque côté. Mais je te dis là des choses, des folies [1] pendant que mon cœur déborde de tendresse et que mes lèvres remplissent de baisers, mon Victor, je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 232
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette


Guernesey, 16 août 1858, lundi soir, 9 h.

Me voilà revenue de chez cette bonne Mlle Le Boutillier [2], mon cher bien-aimé, et j’en suis bien contente parce que je suis sûre que je lui ai fait à elle-même un grand plaisir en allant la voir. Et, pour que ma visite lui soit plus agréable, je t’y ai associé de moitié en lui portant de ta part deux grappes de ton raisin. Tu ne peux pas te figurer combien cette excellente personne a été touchée et reconnaissante de cette marque de bonté et de considération de ta part pour elle. J’y suis allée tard à cause de mon dîner et j’en suis revenue de bonne heure à cause d’un grand mal de tête qui m’assomme. Cependant, je n’ai pas voulu me coucher sans te souhaiter le bonsoir et la bonne nuit, mon cher adoré bien-aimé, dans l’espoir que toutes ces douces choses de mon cœur se placeront à ton chevet cette nuit pour bercer ton sommeil et le rafraîchir de doux rêves. Dors bien, mon cher petit homme, guéris-toi vite pour que nous puissions à notre tour pique-niquer sur la terre et sur l’onde. En attendant, j’espère que tu seras tiré de tes embarras de convives ambulants sans trop de Quesnarderies [3]. Sur ce, dormez bien, mon cher adoré, je vous l’ordonne de tout mon cœur.

BnF, Mss, NAF 16379, f. 233
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation de Ruy Blas. À l’acte I, le héros s’adresse en ces termes à son ami Zafari lorsqu’il lui confesse son amour insensé de laquais pour la reine.

[2Miss Le Boutillier est l’ancienne propriétaire de Juliette. Elle a un petit logement rue Havelet à Guernesey.

[3Néologisme de Juliette à partir du surnom de Kesler, Quesnard.

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