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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 août 1844

5 août [1844], lundi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Tu n’as pas été mouillé en t’en allant cette nuit, mon cher petit homme ? Suzanne m’a dit qu’il pleuvait hier au soir et je crains que tu n’aies reçu de l’eau sur ta chère petite bosse.
Bonjour mon cher adoré, bonjour. Je t’aime mon ravissant petit Toto. Tu devrais venir travailler à la maison aujourd’hui. Je te verrais de temps en temps à travers la porte et cela me comblerait de joie. Je ne te dérangerais pas et je serais la plus heureuse des femmes. Penses-y, mon Victor adoré, et tâche d’arranger ton travail pour cela.
Vois-tu, mon [bon  ?] bien-aimé, il faut me laisser dire encore que je t’aime. Il faut me le laisser dire toujours parce que cela me fait du bien ; pendant que je t’écris ces deux mots d’amour, il me semble que c’est toi que je baise et que je caresse. Cette illusion dure tant que j’ai du papier à gribouiller. C’est pour cela que je ne te dis pas autre chose. Tu peux te dispenser de lire tout ce fouillis, mais moi je ne peux pas me dispenser de le faire. C’est un besoin pour moi, et quand je t’écris par hasard autre chose, c’est que je me suis fait violence. Je baise tes quatre petites pattes blanches et puis je t’attends, je te désire, et je t’adore. Si tu viens bien vite, je serai bien heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 17-18
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette


5 août [1844], lundi soir, 5 h.

Tu tardes trop, mon cher petit bien-aimé. Mon courage et ma patience sont à bout ; il ne me reste plus maintenant que l’impatience et le découragement. Je sais bien que tu avais à aller à la cérémonie de M. Darcet [1]. Mais tu as dû en être quitte de très bonne heure. Pourquoi donc n’es-tu pas venu, soit avant soit après la messe ? Je t’aurais vu et la journée m’aurait parua moins longue et moins triste. Vous voyez bien, Toto, que vous n’êtes pas gentil. Si je pouvais ne plus vous aimer, vous le mériteriez bien, hein ! Convenez-en ?
Pauvre adoré bien-aimé, tu travailles sans aucun doute et tu as tes pauvres beaux yeux fatigués. Et j’ose me plaindre, moi qui ne suis bonne à rien et qui ne fais rien ! En vérité, je suis bien gentille, je m’en fais mon compliment. Pardonne-moi, mon cher adoré, pardonne-moi. Je t’aime jusqu’à la tyrannie, jusqu’à la stupidité, je t’aime trop. Je m’en veux, je me fais cent raisonnements par jour pour m’empêcher de te tourmenter et tout cela n’aboutit qu’à te dire encore plus fort que je t’aime et que je suis malheureuse de ton absence. Ce n’est pas de ma faute. Quand tu voudras, je serai la plus heureuse, sinon la plus aimable des femmes. Je te baiserai, je te caresserai, je te désirerai. Tant pire pour les beaux rouleaux. Tant pire pour le Toto occupé. Tant pire pour le poète. Tant pire, tant pire, je veux m’en donner à cœur joie. Baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 19-20
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « parue ».

Notes

[1Il s’agit de l’enterrement de Jean-Pierre Joseph Darcet, décédé à Paris le 2 août 1844.

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