Paris, 24 janvier [18]79, vendredi matin, 7 h. ½
C’est un bonjour « d’une entière blancheur » que je t’envoie ce matin, mon grand bien-aimé ; quant à la fleur de nos bois et même « de nos bois une fleur » [1] la rhétorique la plus clairvoyante n’en trouverait pas trace dans le vaste champ de neige qui couvre la terre aujourd’hui. Cependant il va falloir aller quand même à Versailles [2] et risquer d’en revenir. Double tâche et double péril, mais il le faut dans l’intérêt des pauvres gens qui souffrent là-bas à Nouméa [3] et ailleurs. À force de cogner sur les durs cœurs de qui leur retour en France dépend peut-être finiront-ilsa par s’ouvrir et par y laisser passer un peu de pitié. C’est pour cela qu’il ne faut pas manquer d’aller à Versailles aujourd’hui à l’heure indiquée. Il faudra que Mariette ait le soin de te réveiller à l’heure, au plus tard à dix heures et demie, et que tu ne flânes pas trop longtemps sous prétexte de te déchausser les dents à force de te les brosser. Quant à moi, je suis prête déjà et de pied en quatre et mon cœur aussi. Celui-là, de cœur, ne désarme jamais car il t’adore toujours à feu et à sang.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 25
Transcription de Chantal Brière
a) « finirons-t-ils ».