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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mars 1845

22 mars [1845], samedi matin, 11 h.

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher amour ravissant, bonjour, ma vie, ma joie, mon printemps, mon soleil, mon parfum, mon âme, bonjour, je t’aime. Tu as travaillé bien tard avec Bernard à ce qu’il paraît, puisque tu n’es pas revenu malgré la prière que je t’en avais faite. J’espère que tu auras fini ce travail et que je te verrai un peu tous les soirs. Tous les matinsa, je me crée de nouvelles espérances qui sont déçues tous les soirs. Mais mon cœur est infatigableb et je recommence de plus belle et avec non moins de ferveur à te désirer et à t’espérer.
J’ai bien regretté hier d’avoir oublié de te faire baigner les yeux avant de partir. Ton eau était restée dans ma chambre, c’est ce qui m’a empêchée d’y penser. Je vais me dépêcher de t’en faire de la nouvelle dans le cas où tu viendrais de bonne heure. Comment va ton rhume ? Le mien est absurde, je crois au reste que c’est plus fort ce matin que cela n’a jamais été. Je n’y vois plus et on ne m’entend plus parler. Tout cela ne serait rien si je ne souffrais pas horriblement de la gorge et de la tête. J’en suis imbécilec. Je vais tâcher de me secouer en allant et venant dans la maison, mais je suis bien ganache. Je me détériored de jour en jour d’une manière effrayante. J’aurais bien besoin que vous me donniez votre recette de conservation vous qui avez su vous figer dans vos trente ans et qui ne sortez pas de là avec vos cheveux NOIRS. Vous me rendrez un fameux service et dont je vous serai reconnaissante tout le reste de ma vie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 213-214
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tous les matin ».
b) « infatiguable ».
c) « imbécille ».
d) « je me déterriore ».


22 mars [1845], samedi après-midi, 4 h. ¾

Tu m’as bien promis de venir avant le dîner, mon cher petit bien-aimé, et j’y compte de toutes mes forces. Cher adoré, à peine si je te vois et dans les quelques secondes que tu passes avec moi, tu trouves moyen de me dire les choses les plus galantes, les plus rassurantes et les plus charmantes du monde. Merci, mon adoré, merci de ta bonté, sois béni, mon Victor, sois grand, sois sublime, sois admiré, sois aimé, sois adoré, tout cela ne sera que juste et tu seras toujours au-dessus de tous les bonheurs, au-dessus de toutes les admirations, au-dessus de toutes les adorations par ta bonté ineffable et divine. Tu as bien fait d’aller visiter ce pauvre jeune homme. Tu lui devais bien cela pour la loyauté et le dévouement et l’admiration sans borne dont il t’a donné des preuves. Hélas ! pour un Bousenot crevé [1], combien de [Ménars  ?] de Fossombroni [2] dévoués et sincères sont morts ! C’est à douter du bon Dieu quand on voit d’honnêtes créatures, de nobles intelligences s’en aller avant le temps et des Rolle et des Saint-Marc Girardin vivre gonflés de venin et de turpitudes.
Pardon, cher adoré, de cette boutade inattendue. Je sens que [je] suis presque ridicule en te parlant ainsi.... Ridicule, pourquoi ? Est-ce qu’il n’est pas dans mes attributions de regretter et d’aimer qui t’aime et qui t’admire et de haïr et de mépriser de toutes mes forces qui te déchire et qui te haita ? Certainement si, n’est-ce pas, mon amour ? Donc j’ai bien fait d’épancher ma bile puisque j’en avais besoin.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 215-216
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « te hais ».

Notes

[1À élucider.

[2S’agit-il de Vittorio Fossombroni, homme politique et mathématicien italien décédé en 1844 ?

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