Guernesey, 1er juin 1858, mardi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon cher petit paresseux, bonjour. Vous ne vous doutez pas, pendant que vous travaillez à grand renfort de flânerie dans votre lit, que vos ouvriers plombiers [1] sifflent la linotte en regardant fumer les cheminées des toits et ceux des bâtiments qui sillonnent la rade. J’espère pour vous que leur travail est à FORFAIT et non à la journée car alors vous trouveriez un fameux déficit rien que pour cette matinée. Je rapporte les nouvelles de l’école dans votre intérêt, mon cher petit homme, ce qui du reste, ne vous sert pas à grand-chose. Marquand vient de m’envoyer des épinards dont tu mangeras demain ainsi que lui. De plus, sa servante portait un splendide cactus pour chez toi, je l’espère. Ce pauvre Marquand ne sait auquel entendre de moi qui lui offre ma soupe et de ta maison qui lui sert des honneurs à profusion. Dans sa justice distributive, il vous donne l’agréable et l’utile à moi, tout est donc pour le mieux, et pour ma part j’en suis très contente. Sur ce, baisez-moi, ne fût-ce qu’en rêve et aimez-moi dans toute la réalité de votre cœur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 119
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette