Guernesey, 30 mars 1858, mardi soir, 4 h. ½
Vous êtes donc bien occupé, mon cher petit homme, que vous ne venez même pas vous assurer si j’ai achevé ma crevaison commencée depuis si longtemps ? Du reste, l’événement en lui-même n’a rien de bien intéressant, et je vous approuve de songer à autre chose de plus piquant. J’espère que tu as reçu de bonnes nouvelles de ta femme aujourd’hui, mon cher petit homme, et je m’en réjouis d’avance pour toi et avec toi. Il est probable qu’elle t’annonce son très prochain retour, ce qui t’oblige à mettre le feu sous le ventre encore davantage à tes automates guernesiais. Je comprends du reste que tu n’aies pas le temps de venir me voir. Du reste, tu n’aurais pas une fameuse vue car je n’ai pas eu le courage de me débarbouiller, ni de me peigner de toute la journée tant je suis souffrante et énervée. Cela n’a rien d’inquiétant, je le sais parfaitement, mais cela me fatigue et m’ennuie au-delà de mes forces et de ma patience. Je n’ai de cœur qu’à t’aimer mais aussi, je m’en acquitte à la très grande satisfaction de mon âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 66
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette