15 octobre [1848], dimanche matin
Bonjour, mon toujours plus aimé et plus adoré Toto, bonjour, je t’aime. Je suis bien reconnaissante de la peine que tu as prise de venir hier au soir. Je ne l’espérais pas. Mon petit homme je t’aime à deux genoux. Tu dois être ennuyéa de me l’entendre répéter à tout propos et à tous les instants de ma vie mais je ne saurais pas dire autre chose. Je vis enferméeb dans mon amour comme l’huître entre ses deux coquilles. Toutes les choses de la vie qui ne sont pas toi glissentc sur moi sans y pénétrer. Cher adoré, c’est aujourd’hui que tu VIDES LES LIEUX pour les emplir ailleurs [1]. Je comprends que cette besogne te laisse peu de loisirs pour le moment et je me résigne d’avance à ne pas te voir beaucoup tout le temps qu’elle durera. Tâche seulement de ne pas la prolonger sans nécessité afin que mon courage et ma patience suffisent pour me faire arriver à la fin de l’OUVRAGE sans trop de grincements de dents. En attendant, je te verrai un peu tantôt et j’en suis bien heureuse. Je te baise à outrance.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 365-366
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « ennuié »
b) « enfermer ».
c) « glisse ».