Guernesey, 6 février 1858, samedi, 7 h. du soir
Sans reproche, mon cher petit bien-aimé, je t’ai à peine aperçu aujourd’hui, je compte sur un bon petit thé de [rabiot ?], comme dit le citoyen Quesnard, ce soir. Jusque là, je me fais de la patience comme je peux en pensant à toi et en t’aimant de toutes mes forces. Du reste, je suis consternée de ce que tu m’as dit pour Marie [1] car je ne sais que devenir avec mes guenilles coupées, décousues, commencées, et en train. D’un autre côté je sens que ton travail ne peut pas attendre. Aussi, quel que soit mon embarras, que te la laisserai mais ce n’est pas sans peine. Tu remarqueras, chemin faisant, quel guignon me poursuit en toute chose, grande, petite ou juste milieu. [Ceci ?] accordé, je reprends mon impassibilité et je t’attends le sourire sur les lèvres et l’amour dans le cœur. Tâche de venir bien vite pour me consoler de ma mésaventure de couturière et puis pense à moi de loin, et aime-moi toujours et partout.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 27
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette