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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 août [1848], dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon tout bien aimé, bonjour, mon Victor adoré, bonjour. Je crois en ta prophétie et je m’y confie cœur et âme. Non, le bon Dieu ne voudra pas que [tu] sois interrompu au milieu de ton œuvre sublime de dévouement. Tu as raison de penser ainsi et je partage ta pieuse confiance.
Cher bien-aimé, je t’ai dépêché hier la femme de ce pauvre Jacques [1], elle était venue chez moi pendant mon absence puis encore une seconde fois, elle était si désolée et elle paraît si sincèrement et si naïvement honnête que j’ai pris sur moi de l’encourager à aller chez toi et à t’attendre si tu n’y étais pas. Elle paraissait croire que son mari avait été condamné ou sur le point de l’être. Cependant M. de Thoré l’avait fait appeler au conseil de guerre, ce qui prouverait que tout n’était pas fini. Il a beaucoup insisté pour avoir ses papiers et ses certificats, dont un est chez toi, ou à défaut son patron. Tout cela prouverait que tout espoir n’est pas perdu pour lui et que ta recommandation agit en sa faveur [2]. Je serais bien heureuse si tu pouvais sauver ce misérable pour sa pauvre femme et pour son enfant et surtout pour la joie que tu en ressentiras. Je baise toute ton adorée petite personne.

Juliette

BnF, Mss NAF 16366, f. 277-278
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette


20 août [1848], dimanche matin, 11 h.

La pluie continue de tomber avec rage, mon cher petit homme, et je crains que ce ne soit un obstacle pour toi de venir. Cependant j’ai bien besoin de te voir pour te dire à toi-même que tu es ma vie, ma joie et mon bonheur. En réunissant au bout les unes des autres toutes les pauvres petites minutes que tu m’as données cette semaine je suis sûre qu’elles ne feraient pas une heure à elles toutes. Aussi tu dois comprendre avec quelle ardente impatience j’attends ta présence adorée. Il m’aurait été impossible d’aller t’attendre aujourd’hui à cause de mon pied [3]. J’ai réussi à force de compresse d’eau fraîche à faire disparaître la vive inflammationa mais il reste encore la petite plaie à cicatriser, ce qui n’est possible qu’avec du repos. Cependant j’espère bien aller te trouver demain à l’Assemblée s’il ne survient pas de nouveaux accidents à mon bête de pied. Pour les empêcher il faut que tu viennes bien vite t’installer auprès de moi et que tu y restes bien longtemps sinon je ne réponds de rien. En attendant je fais consciencieusement de mon mieux pour me guérir et je t’aime à cloche-pied, mais non à cloche-cœur, et je t’adore à quatre pattes.

Juliette

BnF, Mss NAF 16366, f. 279-280
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « inflamation ».

Notes

[1Condamné à identifier.

[2Au lendemain des journées de juin 1848, Victor Hugo intervient en faveur d’un grand nombre de prisonniers, menacés par les conseils de guerre d’exécution ou de déportation.

[3Depuis le 17 août 1848, Juliette Drouet se plaint de souffrir d’un cor au pied.

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