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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 avril 1846

5 avril [1846], dimanche matin, 9 h. ¼

Bonjour mon aimé, bonjour mon adoré Toto, bonjour toi que j’aime. Comment vas-tu ce matin ? Tu as été bien charmant et bien bon hier en dînant avec nous. Hélas ! je vais payer cela aujourd’hui par une journée et une soirée entière d’absence. Cela n’est que trop probable à cause de la présence de cette pauvre femme chez moi [1]. Je suis levée depuis six heures pour préparer ma maison à la recevoir. Je ne sais pas à quelle heure elle arrivera et dans quel état, aussi je t’écris tout de suite sur du grand papier pour n’être pas en arrière avec mon pauvre cœur. J’entrevois une journée pénible dans laquelle je n’aurai même pas la consolation de te voir. Rien ne peut me décourager davantage que cette idée là. Il ne faut rien moins que la position fâcheuse de cette malheureuse femme pour me faire lui pardonner tout ce qu’elle me fera perdre aujourd’hui. N’est-ce pas, l’amour rend bien méchant ? Suzanne vient de me faire une fausse peur en m’annonçant une voiture, une dame et des bagages. Pour le coup j’ai cru que c’était la pauvre femme mais ce n’était qu’une locataire de la maison qui rentrait dans sesa foyers. Je ris du bout des lèvres car au fond je suis très contrariée et très tourmentée. Dieu sait dans quel état va m’arriver cette infortunée femme et comment elle prendra les justes et légitimes raisons que je lui donnerai. Je voudrais pour beaucoup qu’une bonne inspiration la retînt à Bruxelles ; pour elle d’abord car je crois qu’elle commet la plus grosse et la plus grave des imprudences ; pour moi que cela met dans un embarras extrême. Et dire que je ne te verrai peut-être pas aujourd’hui, c’est pour en pleurer toute la journée. Je vais tâcher de ne penser qu’à toi pour te faire venir malgré tous les obstacles. Je t’aime, je te baise, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 343-344
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « ses » est souligné encore une fois.

Notes

[1Laure Luthereau, venue de Bruxelles à Paris pour une affaire délicate et mystérieuse, vient rendre visite à son amie Juliette Drouet.

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