27 avril [1848], jeudi matin, 9 h.
Bonjour vieux Chinois, bonjour, homme affairé, bonjour, je bisque. Vous m’avez bien tenu parole hier. Chaque fois qu’il s’agit de ne pas venir vous n’y manquez pas. Aussi je vous déteste et je ne vote pas pour vous. Je vais aller me promener toute la journée pour vous apprendre à me faire croquer le marmot [1] tous les jours au nom de votre frère, Chaumontel, de la garde nationale, de Charles [2], de la mairie, de son carabinier et de la République française. Mais je suis vengée, vous ne serez pas nommé à une MAJORITÉ EFFRAYANTE [3]. Quel bonheur !!!!!!a
Le bon sens public cette fois, comme toujours, aura fait justice des prétentions impuissantes du chef de l’école romantique, de l’ex-membre de cette ex-chambre corrompue et fétide que les bons patriotes de février ont démoli de fond en comble.
Je suis heureuse, je suis contente, je suis ravie de vous savoir dans cette position humiliante. Je donne ma voix à Louis Blanc, à Ledru le plus Rollin et à Blanqui et à tous ses AMIS. Vive la République.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 137-138
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) Les points d’exclamations courent jusqu’au bout de la ligne.
27 avril [1848], jeudi, midi ½
J’espère que tu vas venir tout à l’heure, ne fût-ce que pour me dire où je dois aller t’attendre et à quelle heure.
Je ne suis pas contente, tant s’en faut, et il faudrait diantrement d’argent, de chemises, peignoirsa et de capote de dentelle pour me dérider. Avec tout cela c’est aujourd’hui que je vends MON ARGENTERIE. J’aime mieux à tout prendre ce qui m’est indispensable que ce qui m’est nécessaire. J’en suis fâchée pour vos sentiments d’HÉRITIER mais je ne peux pas faire autrement. D’ailleurs cela vous dispensera de payer le droit de succession à cette bonne république. Cinquante pour cent, c’est pour rien et ne vaut vraiment pas la peine d’hériter même d’une Juju quand on en a une. Aussi, c’est convenu, je vais barboterb dans mes VALEURS et faire un bloc de tout cela avec lequel je pourvoiraic à mes besoins du moment : chemises, chapeau, brodequins etc., etc., etc., etc., etc. Vous avez beau vous agiter et vous mordre la queue c’est comme cela. Le gouvernement provisoire me prêtera………. main forte s’il le faut, aussi ne bougez pas et taisez-vous ou la mort.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 139-140
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « peignoires ».
b) « barbotter ».
c) « je pourvoierai ».