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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 février [1848], lundi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon doux adoré, bonjour, mon pauvre sublime piocheur, bonjour, mon amour triste, bonjour, je t’aime. Hélas ! Cela ne suffit pas pour t’épargner les ennuis et les chagrins de cette vie, je ne le vois que trop car tu es aussi tourmenté que le serait le premier épicier venu, ce qui est la plus grosse et la plus flagrante des injustices. Un homme comme toi ne devrait avoir que les joies, la gloire et le bonheur de cette vie. Si cela dépendait de moi, je t’assure que tu serais le plus heureux des hommes comme tu en es le plus beau, le plus grand, le plus noble, le plus doux et le plus adoré.
Je commence ma journée par ce rabâchagea inutile mais plein de tendresse et d’amour. Je te promets s’il ne pleut pas de sortir tantôt et tous les jours, autant du moins que je le pourrai et que le temps le permettra. Tu penses que je veux mettre à profit les conseils du médecin et vivre le plus longtemps que je pourrai pour te faire enrager et pour t’empêcher de faire des prouesses avec les Boisgontier, les Bourel et autres Théophiline. C’est une idée que j’ai comme cela et pour la mettre à exécution il faut que je conserve mes précieux jours jusque dans les temps les plus reculés. Voilà ce que vous gagnerez à cela. Qu’en dites-vous ? Heu !.......b Voime, voime, je comprends : vous aimeriez mieux plus de rhumatisme et moins de jalousie. On ne peut pas tout avoir comme vous savez et j’optec pour la dernière chose. Maintenant baisez-moi, reposez-vous et ne soyez pas triste. Ô non, ne sois pas triste mon amour, tout cela ne sera rien tu verras. Et puis je t’aime tant. Tu es si bien tout mon bonheur que je ne peux pas supporter la pensée que tu es triste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 47-48
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « rabachage ».
b) Les points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.
c) « obte ».


7 février [1848], lundi, midi ½

Je me dispose à sortir tout à l’heure, mon petit homme, et je me propose de passer devant votre maison au risque de rencontrer vos bonnes fortunes entrant et sortant de chez vous. Je serai revenue chez moi de deux à trois heures selon l’heure à laquelle je sortirai et le temps qu’il fera car dans ce moment-ci même il pleut. En attendant je fais mes affaires et je te gribouille des tas de platitudes insipides dont tu te passerais bien mais qui sont nécessaires à mon bonheur et je suis trop égoïste pour te faire grâce d’une seule. On n’est pas plus généreuse que cette Juju-là. Voilà comme je suis, ça ne vous regarde pas. Rendez-moi MA chaîne et je vous dirai s’il a crié quand il m’a mordu [1], sans cela vous ne le saureza pas. Jour Toto, jour mon cher petit o, porte-moi. C’est tonique. Ce qui ne l’est pas beaucoup, c’est l’affreuse eau bourbeuse que je bois. Il serait bientôt temps de me faire boire de l’eau plus claire et de changer en histoire ce conte de la Fontaine. Je suis sûre qu’on pourrait pêcher…. à la ligne dans mon estomac des fritures de goujons et des matelotesb de carpes grâce à mon régime d’eau poissonneusec ou poissonnièred, cela m’est égal. Ce qui ne me l’est pas, c’est que vous ne m’aimez pas autant que je le voudrais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 49-50
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « vous ne le saurai ».
b) « matellottes ».
c) « poisonneuse ».
d) « poisonnière ».

Notes

[1Citation fréquente sous la plume de Juliette Drouet, à élucider, comme le « c’est tonique » qui suit.

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