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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 janvier [1848], samedi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon Toto, bonjour vous, bonjour toi, bonjour bien-aimé de mon cœur, bonjour adoré de mon âme, bonjour et mille baisers avec. J’espère que tu vas bien et que tu n’es pas assez bête pour te laisser prendre en grippe d’aucun côté. Quant à moi je suis toute fiévreuse ce matin. J’ai eu une mauvaise digestion cette nuit, si bien que ce matin je suis encore malingre et frileuse. Je pense que cela ne sera rien et que cela ne m’empêchera pas de t’aller chercher ce soir. En attendant je reste dans le coin de mon poêle comme une pauvre momie jusqu’à ce que le courage me revienne pour faire ton eau et pour me débarbouiller. Pendant ce temps-là je fais remettre ton paletot de chambre, par des pairs, à neuf par Eulalie et je donne mes morceaux de satin rose, horrible dévouement. J’ai profité de ce qu’elle était venue apporter de l’ouvrage dans le quartier pour lui faire faire cette utile réparation. Mon Dieu que je suis bête ce matin : je ne sais que faire de ma plume et pourtant mon cœur déborde de tendresse et d’amour, mais je suis anéantie et comme paralysée. Si je m’en croyais je resterais là immobile et muette comme une huître. Cependant j’ai bien des choses à faire et je veux me secouer. J’ai bien des choses à te dire, et je te les dirai, quand je devrais rester sur mon papier les quatre fers en l’air. Mon Toto je t’aime, mon Toto je t’adore.

Juliette

MVH, 7832
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux


15 janvier [1848], midi

Je suis toujours à la même place et toujours aussi courageuse. Merci. Si cela continue je suis capable de me fossiliser sur ma chaise. Je ne souffre pas pourtant mais j’ai froid et je suis très lasse. Si je toussais je pourrais croire que c’est la grippe mais je n’ai pas l’apparence de rhume. Ca n’est absolument qu’une mauvaise digestion mais bien mauvaise.
Cher bien-aimé, depuis ce matin je suis occupée à te navrer cela dans tous les sens excepté dans le sens COMMUN car je suis stupide. J’en suis vraiment honteuse. Je m’en veux de ma lâcheté et je voudrais pouvoir me tirer par les cheveux et me faire marcher plus vite que ça. Heureusement que j’ai à aller te chercher ce soir et que je n’y résisterai pas. Je saurai bien retrouver des jambes et du cœur pour cela. Aussi je suis bien tranquille pour ce moment-là. Le tout est de me débarbouiller et de faire mes affaires les plus indispensables. Oh ! là, là, là, là, décidément je ne suis qu’une vieille paresseuse et ce que j’en dis c’est pour avoir le droit de ne rien faire. Ah ! vieille Juju que je t’y attrapea encore ! On verra à qui tu auras affaire. En attendant je te pardonne pour aujourd’hui mais n’y reviens pas. Mon Toto je te demande pardon de mon rabâchage mais cela ne m’empêche pas de t’adorer.

Juliette

MVH, 7833.
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « attrappe ».

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