10 septembre 1847

10 septembre [1847], vendredi, 10 h. ¼

Je sais que ton Toto va bien [1], je sais qu’il fait beau, je sais que je t’aime et pourtant au fond de l’âme je ne suis pas horriblement gaie. Cela tient à bien des choses qui ne dépendent pas toutes de toi mais qui manquent beaucoup à mon bonheur. Je voudrais ne pas recommencer ma stupide antienne d’hier aussi je m’arrête et je parle d’autre chose ? Suzanne est ravie de son cadeau : « C’est Monsieur qui me l’a donné » répète-t-elle à chaque instant. « Oh ! Je le garderai toujours, c’est la première fois qu’il me donne quelque chose » ; (ceci dit sans arrière-pensée malicieuse) « Quel bonheur ! Oh ! Que je suis contente. » Je comprends son enthousiasme et j’attends qu’il vous plaise de me combler de vos bienfaits pour en dire autant et encore plus fort : QUEL BONHEUR !!! QUEL BONHEUR !!! QUEL BONHEUR !!!! Cependant au choix, j’aimerais mieux vous voir et fabriquer en collaboration avec vous une CULOTTE MONSTRE. Malheureusement mes vœux et mes goûts ne sont pas exaucés et on y fait précisément la SAUCE contraire. Tiens, me voilà revenue à mon point de départ et il ne tiendrait qu’à moi de grognonner sur ce thème jusqu’à la fin de la page^a. Heureusement que je m’en aperçois à temps et que je me tire la langue à SOI-MÊME ATTRAPÉE^b ! Mon Toto je t’aime, mon Toto je te baise, mon Toto je te souris, mon Toto je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 198-199
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « pages ».
b) « attrappée ».