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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 septembre [1847], vendredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon scélérat, bonjour, féroce homme, bonjour, vilain sale, bonjour comment que ça va ce matin ? Je suis sûre que vous avez le front d’aller tous très bien et de vous préparer déjà à de bonnes goinfreries. Les Toto PAIR et FILS sont capables de tout, même de se moquer d’une Juju qui vaut mieux qu’eux et qui leur en remontrera quand ils voudront sur l’art de parler et d’écrire correctement. Puisque vous trouvez si drôle de vous ficher de ma taille de plume, je me servirai dorénavant de la vôtre, de taille et de plume, nous verrons si cela vous fera bien rire. Je ne veux plus avoir de niaises délicatesses avec vous puisque vous ne savez pas les apprécier. À force de m’asticotera vous finiriez par me rendre aussi méchante que vous, ce qui ne laissera pas que d’être d’un farce agréable pour ceux qui se trouveront aux premières places pour nous voir nous graffigner et nous déchirer de nos propres griffes. Quant à moi, je donnerais bien deux sous contrôlés à la Monnaie pour voir ce spectacle curieux. En attendant, dormez, garde-malade, et tâchez de réparer vos forces pour le très prochain combat. Je vous dis que je vous attends en champ clos avec ongles frais émoulus.

Juliette

MVH, α 7975
Transcription de Nicole Savy

a) « asticotter ».


3 septembre [1847], vendredi après-midi, 1 h. ½

Tout va de mieux en mieux mes chers bien-aimés, et je m’en réjouis avec vous tous. Voilà un temps fait pour hâter toutes les convalescences et celle de ce cher petit ogre en particulier. Je suis sûre que demain il voudra se bassiner les gencives avec un rosbifa et prendre un verre de vin de Bordeaux pour s’humecter un peu le larynx. Quant à moi, je ne m’y oppose pas à la condition que cette médecine véhémente soit approuvée par toute la faculté de la Place Royale, Fauvel et autre Louis de la capitale. Maintenant baisez-moi et réveillez-vous, bel endormi, réveillez-vous car il fait jour même pour ceux qui comme vous ont passé la nuit. Tu vois mon doux adoré que malgré tous les griefs que j’ai contre toi le plaisir de savoir ton Toto hors de danger l’emporte sur mon juste ressentiment et que je te souris sans la moindre rancune. On n’est pas de meilleure pâte de Juju que moi, convenez-en et taisez-vous.
Cher bien-aimé, c’est à huit heures du matin qu’il faut que je sois rendue demain à l’église de Saint-Mandé. C’est un devoir toujours pénible à remplir pour une pauvre mère que celui qui me réclame demain et je ne crois pas même que j’aie la force de l’accomplir dans tout son entier. Il n’est que trop probable que je n’irai qu’à la messe. Je ne me sens pas le courage d’assister à l’exhumation [1]. D’y penser tout mon cœur se retourne. Plains-moi et aime-moi, j’en ai bien besoin.

Juliette

MVH, α 7976
Transcription de Nicole Savy

a) « rotbif ».

Notes

[1Le corps de Claire Pradier avait été exhumé une première fois le 11 juillet 1847 et transporté d’Auteuil, où elle était morte, à Saint-Mandé, conformément à son testament découvert après l’enterrement. Il sera exhumé une seconde fois pour être placé dans un caveau.

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