Guernesey, 31 janvier [18]68, vendredi, 7 h. ¾ du m[atin]
Est-ce que tu as comme moi passé la nuit blanche, mon pauvre adoré ? Si cela est, je te plains. Je te plains d’autant plus que tu n’as pas comme moi le temps de ruminer ton insomnie dans un inepte farniente. Quand je pense à tout ce que tu as à faire aujourd’hui, j’en suis harassée et agacée pour toi d’avance. Je viens de revoir au grand jour le dessin que tu m’as donné hier. C’est vraiment une très belle chose et dont je suis bien heureuse. Je compte t’en remercier à bouche que veux-tu tantôt en attendant que j’en fasse mon compliment à l’artiste demain [1]. Je me prépare à faire bonne contenance ce soir ; c’est-à-dire bonne mine à mauvais jeu [2]. Je dis, quoiqu’il arrive, mon cœur battra des mains à ce premier héros (Héraut) de ta gloire. C’est bête comme tout ce que je dis là [3] et surtout bien embrouillé mais je m’en fiche et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 30
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette