Guernesey, 24 avril 1856, jeudi après-midi, [1] h.
Pardonne-moi, mon cher petit homme, d’avoir eu la férocité de te faire coucher tard hier malgré la fatigue évidente que tu avais. J’ai le bonheur égoïste, peut-être cela tient-il à ce que je l’ai rarement. Quoi qu’ila en soit, mon trop aimé, je suis presque fâchée d’avoir abusé de ton ineffable bonté en prolongeant la soirée hier. J’espère pourtant que tu auras passé une bonne nuit et que tu ne te ressens plus de la fatigue de mon RAOUT. Je t’attends avec la plus tendre sollicitude, tâche de venir de bonne heure. La poste est arrivée depuis longtemps, malheureusement elle n’a pas pu t’apporter des nouvelles des Contemplations [1]. Tu n’en pourrasb avoir au plus tôt que samedi. Je voudrais déjà y être pour savoir comment s’est passéec cette LANCE (en terme de [marine ?]) et quelle explosion d’admiration générale elle aura provoquée dans le public littéraire et AUTRE. À propos de public il paraît que j’ai dit une sottise hier dans mon TOAST ? C’était immanquable car rien ne renforce ma stupidité comme de savoir qu’elle est en évidence, une autre foisd je garderai ma langue pour manger des choux et je ne vous applaudirai qu’intérieurement. C’est moins ridicule et cela ne me gêne pas [pour] vous adorer et vous admirer à mon aise.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 127
Transcription de Chantal Brière
a) « Quoiqu’il ».
b) « tu n’en pouras ».
c) « s’est passé ».
d) « une autrefois ».