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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 juillet [1847], mercredi matin, 7 h. ½

Bonjour mon doux petit homme, bonjour mon ravissant petit Toto, bonjour, je ne veux pas que vous donniez la liberté à mon chat. Justement je l’aperçois d’ici qui est monté tout en haut de l’abricotier et qui va casser toutes les branches et faire tomber le reste des abricots. Interrompue, non par le brouillard, comme les dépêches officielles, mais par la chasse que je viens de donner à Fouyou, ce vilain monstre de chat me dévaste tout mon jardin. Il ne manque plus que vous lui ouvrant la porte toutes les nuits, pour qu’il ne reste pas un brin d’herbe sur pied d’ici à huit jours. Mon Dieu que j’ai donc de mal à défendre ma propriété contre les académiciens, les chats et les animaux de toutes sortes. Un régiment de gardes champêtres ne serait pas de trop pour cette besogne fatigantea. Oh ! je vous conseille de rire, sans cœur, et de vous ficher de moi, il y a de quoi. La première fois que le sieur Fouyou se permettra la moindre incartade dans mon jardin, c’est à vous que je m’en prendrai : [15 s.  ?] d’amende, ni plus ni moins, ce sera une façon de rétablir l’équilibre de mes noyaux qu’on ne me laisse pas mûrir. Non compris les pièges à loups que je ferai fleurir sous vos pas. Maintenant que vous êtes averti, je peux vous embrasser sans colère et sans rancune ? Je vous prie de venir de bonne heure et de m’aimer.

Juliette

MVH, α 7952
Transcription de Nicole Savy

a) « fatiguante ».


28 juillet [1847], mercredi, midi ½

Depuis ce matin je plante, je laboure, j’arrose et je sarcle avec Duval. Je suis faite comme une Marie sorcière. Si vous veniez vous ne sauriez par quel bout me prendre tant je suis mouillée et terreuse. Aussi je vais me dépêcher de faire toutes mes affaires, pour que vous ne me trouviez pas dans cet équipage grotesque. Je n’ai pas besoin que vous vous dégoûtiez de moi, vous n’êtes déjà pas si empressé auprès de moi. Tiens, tiens, je crois que je rabâche selon ma louable habitude. Comme c’est spirituel ce que je vous dis là, décidément l’âge ne m’est pas favorable. Autrefois, j’étais moins bête que ça. Mais aussi j’avais de meilleurs outils. J’avais de bonnes plumes, de la bonne encre, du beau papier et un Toto amoureux à fer et à clous [1]. Maintenant je n’ai plus que de vieux trognons émoussés, de l’encre MARINE plus pâle que de l’eau claire, du papier éponge et un amoureux pair de France. Faites donc du style, de l’esprit et des choses drôles avec tout ça. Merci, une plus adroite que moi y perdrait son talent et son latin. D’ailleurs c’est assez bon pour ce que vous en faites. Baisez-moi, Toto, je suis en retard dépêchez-vous vite et aimez-moi encore plus vite. Je vous dis que je suis très pressée et que je vous adore.

Juliette

MVH, α 7953
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Image de la solidité obtenue par retournement de la locution « ne tenir ni à fer ni à clou », qui se dit d’une chose mal attachée, qui risque de venir à manquer (GDU).

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