Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1847 > Juillet > 25

25 juillet [1847], dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon petit homme, bonjour. Tu n’as pas voulu me réveiller cette nuit en me parlant et j’étais trop endormie moi-même pour me réveiller seule. Aussi c’est à travers un roupillement hideux que j’ai su que tu étais là et que tu y es très peu resté. Je devrais t’en vouloir plus qu’à moi et cependant, par une injuste préférence, c’est à moi que j’adresse tous les reproches et toutes les injures qu’en bonne conscience tu mérites encore plus que moi ; car si tu m’avais parlé cette nuit au lieu de garder ce silence soporifique j’aurais pu mettre davantage à profit ta bonne et charmante visite. Nous verrons si tu m’en dédommageras en venant de bonne heure aujourd’hui. Tu sais que tu ne peux pas revenir ce soir ? Cela seul, si tu m’aimes un peu, devrait te faire venir plus tôt. Quand je te vois je suis si heureuse ! Il me semble que je n’ai rien perdu et que je n’ai rien à redouter pour l’avenir. Dès que tu me quittes toutes ces douces illusions s’en vont et je reste avec la plus triste et la plus douloureuse des réalités. C’est pour cela, mon doux adoré, que je te prie avec tant d’insistance de venir le plus que tu peux et de t’en aller le moins possible. Ce ne sont pas des prières désintéressées mais elles sont bien tendres et bien passionnées.

Juliette

MVH, α 7948
Transcription de Nicole Savy


25 juillet [1847], dimanche, 11 h. ¾

Dans l’espoir que tu viendras bientôt, je me dépêche de te gribouiller ma seconde et dernière feuille de papier. Tâche que je ne me sois pas dépêchée pour rien et que je puisse me rabibocher de la journée d’hier et de la soirée d’aujourd’hui. Je suis un peu blaireuse mais je sais à quoi cela tient. Je n’y ferais même pas attention si tu étais auprès de moi. Voilà comment et pourquoi vous êtes la cause de tous mes maux. Vous voyez bien que c’est vrai. Taisez-vous. Je viens d’envoyer chercher du papier pour le cas où vous voudriez écrire à la mère d’Alfred [1]. Vous voyez combien j’y mets de complaisance. Que cela vous serve d’exemple à l’avenir pour moi-même. En attendant, vous devriez renouvelera votre provision de papeterie et ne pas me forcer à jeter l’argent dans la poche du marchand voleur qui me vend quatre sous le cahier que vous payez six liards. Après cela si ça vous amuse vous êtes libre. Ce dont vous n’êtes pas libre, c’est de ne pas m’aimer et de me faire des TRAITS [2] et des ALFRED avec les premières et les dernières venues que vous rencontrez. Pour cela je m’y oppose formellement et je prendrai mon grand couteau en aide plutôt que de vous laisser vous moquer de moi à mon nez de Juju. Taisez-vous.

MVH, α 7949
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Probablement Alfred Asseline, cousin de la femme de Victor Hugo.

[2Expression argotique : tromper, commettre des infidélités.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne