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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 28 octobre [18]64, vendredi matin, 7 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour et REBONJOUR car j’ai déjà salué des yeux et du cœur ton petit signal arboré à ton balcon ce matin. J’espère que tu as aussi bien dormi que moi toute la nuit et que rien ne cloche dans ta santé ni dans ton amour car il faut que tout soit d’accord entre nous deux dans la vie physiquea et morale si nous voulons arriver ensemble au but suprême : le bonheur éternel, âme dans âme.
Que dis-tu de ce temps, mon cher petit homme ? Est-il assez beau, assez doux, assez charmant ? Quel été de la Saint-Martin ! Il me semble que toutes les tendresses, tous les baisers et toutes les extases de notre amour passé repoussent, reverdissent et refleurissent en moi sous ce soleil d’automne comme les fleurs sur les poiriers de mon jardin. La sève de mon cœur remonte à mes lèvres, dans mes yeux et dans ma pensée en ce moment comme si tu étais là auprès de moi comme autrefois. Sois béni, mon divin bien-aimé, pour le bonheur passé, pour le bonheur présent et pour celui à venir. Je t’adore.
Je ne te demande pas à sortir parce que tu dois avoir comme moi bien des choses encore à faire dans ta maison pour te retrouver dans tes habitudes de corps et d’esprit. Mais dès que tu seras sorti de tes premiers encombrements je te prierai de reprendre nos chères petites promenades sur la colline… ou ailleurs car le lieu m’est indifférent. Pourvu que je sois avec toi, je suis heureuse, éblouie et ravie. En attendant je vais faire force de voile et de rame pour remettre tout en ordre chez moi aujourd’hui. Tantôt je t’enverrai le petit-déjeuner qui te plaît et je commencerai aujourd’hui à refaire ton café de tous les jours. À partir de demain tu n’en manqueras plus. Ce sera une joie pour moi de m’appliquer à te faire cette boisson qui te fait du bien et que tu GOÛTES, comme on dit en Belgique. Mon cher petit homme, je te baise pieds et poings liés pour que tu ne te sauves pas sous l’avalanche.

J.

BnF, Mss, NAF 16385, f. 219
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « phisique ».

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