Guernesey, 2 juillet 1857, jeudi après-midi, 4 h. ½
Tremblez, mon cher petit Toto, rien qu’en voyant le format de ma restitus et soyez atterré après en avoir admiré la FORME. Du reste ne vous prenez qu’à vous de cette dimension hyperbolique de mon gribouillis puisque c’est vous-même qui l’avez demandé. Quant à moi, je trouve que MON esprit a toujours trop de place pour s’étendre et mon cœur jamais assez pour tout ce qu’il contient d’amour pour vous ; ce qui fait que je ne les satisfaisa ni l’un ni l’autre quelle queb soit la mesure de mon gribouillis. Je serais bien allée avec toi tout à l’heure, mon bien-aimé, si j’avais été prête et si je n’étais pas si patraque. J’espère me rabibocher ce soir après dîner si tu es libre. En attendant tu fais bien de prendre ton bain et même d’acheter des viers coffres remplis de VIELES PÉNELLES [1] et de n’en pas laisser aux autres. Mais si jamais je mets la main sur un nid je le garderai pour moi seule et vous bisquerez et je serai vengée. Cela ne m’empêche pas d’être bien heureuse que tu ne sois plus fâché contre moi, même sans tort de ma part. J’espère que ce malentendu ne se reproduira plus, que nous n’aurons plus besoin de souffrir l’un et l’autre sans savoir pourquoi pour nous prouver que nous nous aimons de toutes nos âmes et que le souffle de l’un est la vie de l’autre. Tu es ma vie. Je t’adore.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 117-118
Transcription de Chantal Brière
a) « satisfait ».
b) « quelque que ».