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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 août [1838], lundi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon petit homme, bonjour mon adoré. J’ai passé une bien mauvaise nuit, je suis malade ce matin. Si les remèdes que je vais prendre ne me soulagent pas, je ferai venir le médecin car depuis cette nuit, mon indispositiona empire de moment en [moment]. Je vais cependant écrire à tout événement à Mme Krafft pour le chapeau car à moins que je ne sois morte, le voyage me guérira subitement. Je t’aime, mon Toto, je t’adore et tu le mérites bien car jamais homme n’a été plus noble, plus grand, plus dévoué, et plus ravissant que toi. Aussi mon pauvre adoré, cela m’est une peine bien grande et une indignation bien profonde quand je vois ces vilaines chenilles à face humaine essayer de ramper jusqu’à toi et de te salir de leur hideuse bave. Je suis inquiète sur la résolution que tu vas prendre avec Joly. Je tremble qu’il n’y en aitb pas de bonne et c’est à se donner au diable car jamais combinaison n’avait paru meilleure et plus sûre. Pauvre ange, pauvre adoré, pauvre homme Dieu, c’est bien merveilleusement beau ce que tu viens de faire. Il faut tâcher que ces horribles chenilles ne se traînent pas sur le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. Je baise tes petits pieds blancs.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 163-164
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain.

a) « indispotision ».
b) « est ».


13 août [1838], lundi soir, 7 h.

Je ne m’aperçoisa guère, mon adoré, que vous ayez fini votre pièce [1] : c’est toujours même solitude, même absence de vous, enfin même tourment et même inquiétude. Peut-être davantage encore car l’horizon est chargé d’orage et de trahison. Je suis triste et souffrante, mon pauvre adoré, et je sens qu’il me faudrait très peu de chose pour être malade et découragée. Notre voyage lui-même se présente si court, si court et si étriqué que je n’ose pas m’en réjouir car avant d’être partie, j’ai déjà le chagrin d’être revenue. Je t’aime trop, mon pauvre bien-aimé, pour le peu de temps et d’amour que tu me donnes. J’ai l’appétit de Claude Gueux et la pitance de la prison, ce qui m’affame et m’irrite. Je n’avais pour me soutenir qu’un mois de bonheur dans toute une année et voilà qu’il est supprimé. Maintenant je ne sais plus comment je ferai pour supporter tout un hiver de famine et d’isolement. Enfin, mon pauvre adoré, si je finis par me ronger le cœur, tu ne m’en voudras pas mais au régime d’émotion dans lequel je vis depuis un an, tâche de me faire sortir un peu ce soir, je suis souffrante vraiment. Je t’aime, mon pauvre bien-aimé, je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 165-166
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « apperçois ».

Notes

[1Hugo achèvera Ruy Blas le 31 août.

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